« Les savants ont longuement disputé pour
expliquer la cause de la profusion de tombeaux en pierre
qu’on a trouvés à Quarré les Tombes.
La tradition populaire y a mis moins de façon, et,
d’un coup, est arrivée à résoudre
le problème.
Voici comment. Au IXème siècle, une bataille
, où périrent six mille combattants, fut livrée
entre les Français et une armée d’infidèles
près du bourg de Quarré. Le combat eut lieu à deux
reprises. Après le premier engagement, Renaud, fils
d’Aimon, prince des Ardennes, et l’un des héros
de la lutte, entra, épuisé de fatigue, dans
la forêt voisine, s’assit au pied d’un
arbre et s’y endormit au chant du rossignol.
A ses côtés se tenait debout son valeureux coursier
attaché au tronc d’un vieux chêne ;
pendant que Renaud dormait, les deux armées en vinrent
de nouveau aux mains. Le cliquetis des armes et les cris
des combattants devinrent si perçants que la monture
du guerrier, dans son impatiente ardeur et à force
de trépignements, s’enterra jusqu’au ventre.
Réveillé enfin par le bruit, Renaud, maudissant
le rossignol dont les chants avaient contribué à son
assoupissement, saute sur son coursier sans même prendre
ses armes, et accourt se mêler au combat. Déjà les
infidèles commençaient à l’emporter.
Renaud, saisissant un chevron que le hasard place sous sa
main, s’élance dans la mêlée ,
frappe, tue ou disperse. Mais comme il frappait en bout,
une voix amie lui crie :
Frère Renaud, touchez, je vous prie, en fauchant,
Et vous en abattrez sitôt mille que cent
Renaud tient compte de l’avertissement ; les ennemis
tombent sous ses coups comme les épis sous la faulx
du moissonneur. Grâce à lui la victoire reste
aux chrétiens. Depuis là jamais le rossignol
ne s’est fait entendre dans cette contrée. On
ajoute qu’après la bataille des buissons d’épines
poussèrent sur la fosse des païens et que des
tombes apparurent miraculeusement pour recevoir les dépouilles
des bons. «
Telle est l’origine des tombeaux de Quarré….selon
la légende.
Source : Les usages, croyances, traditions,
superstitions de l’Yonne (Charles Moiset 1888)