La fête de Noël a été de
tout temps l’objet d’une
vénération extrême
dans nos contrées. On n’attendait
même pas toujours sa venue pour
la célébrer. Dans plusieurs
pays on y préludait par des manifestations
et des réjouissances qui prenaient
différentes formes.
L’usage de la bûche de Noël était
cependant commun à toutes les
parties de notre région. Seul
le temps pendant lequel devait brûler
cette bûche différait suivant
les pays. Mais ce qui partout se rapportait,
c’était l’obligation
où l’on se tenait de la
faire durer au moins durant toute la
nuit de Noël. Le motif était,
dans beaucoup d’endroits, comme à Beauvilliers,
que pendant ce temps la Vierge pouvait
venir changer l’enfant Jésus
de langes et lui faire chauffer sa bouillie.
A cure, pas très loin de notre
région, on répandait les
cendres autour des habitations pour éloigner
les serpents.
Après la messe de minuit, qui
répondait, selon les endroits, à des
rites particuliers, les familles rentraient
pour se livrer à de nouvelles
réjouissances. Mais, dans certains
pays, avant de s’y reprendre, le
maître de la maison allait donner à manger
(quelquefois du pain bénit) et à boire
aux hôtes de l’étable
pour les préserver de certaines
maladies. Opération redoutable,
car on était convaincu que dans
cette nuit-là les bêtes
avaient le don de la parole et de la
prescience (exemple à Cure et à Quarré les
Tombes) et malheur à qui les troublait !
Cette attribution de la parole aux animaux,
basée dans la circonstance sur
un privilège momentané que
Dieu leur aurait accordé en reconnaissance
des soins affectueux que leurs ancêtres
de l’étable de Bethléem
auraient prodigués à l’Enfant
Jésus, se rencontre, au reste
chez beaucoup de peuples primitifs.
Ainsi, chez les peuples noirs africains
prétendent que si le singe ne
parle pas, c’est par un calcul
de paresse, pour ne point travailler.
Les Kamtchadales disent que si le chien
ne se sert plus, comme jadis, du langage
articulé, c’est par fierté rancuneuse,
depuis le jouir où les parents
du dieu Koutka ne répondirent
pas à certains questions qu’il
leur posait. Le genre fable, d’ailleurs,
qu’on rencontre dans les plus anciennes
littératures, notamment dans l’Inde,
a pour fondement cette croyance que les
animaux parlent et raisonnent.
Il paraît qu’en Alsace, en
Allemagne, en Suisse, on croit que les
abeilles sortent, dans la nuit de Noël,
de leur engourdissement et célèbrent
la naissance du Christ par des bourdonnements.
Source : Les usages,
croyances, traditions, superstitions
de l’Yonne
(Charles Moiset 1888)