LÉGENDE DE LA PIERRE DU DIABLE
Charles Moiset a créé en 1885 une commission
au sein de la Société des Sciences historiques
et naturelles de l'Yonne pour retrouver usages, croyances
et traditions. A la suite d'un questionnaire détaillé envoyé dans
toute la région, en particulier aux instituteurs,
un ouvrage a pu être réalisé, édité en
1888, réédité en 1982 par les éditions
Jeanne Laffitte de Marseille. 200 communes de l'Yonne sont
citées dans cet ouvrage dont certaines du canton
de Quarré les Tombes.
La plupart des touristes qui visitent Saint Léger
Vauban ne soupçonnent guère, quand ils sont
en face de la Maison d'école, quelle légende
se rattache au granit dont est construit le monument. Ces
matériaux sont les morceaux d'un monolithe appelé autrefois
la Pierre du Diable.
Une certaine veille de Noël, quelques instants avant
la messe de minuit, le bon Dieu rencontre le Diable sur
une lande, près de Saint Léger. Le Diable ôte
son chapeau : le bon Dieu répond par un signe de
tête.
- Que fais-tu ici ? demande le bon Dieu.
- Seigneur, je fais mon métier, qui est d'induire
les hommes et surtout les femmes à mal. Beaucoup
d'entre eux vont vous recevoir cette nuit, et pas un qui
ne dissimule quelque pêché dans sa confession.
- Et que veux-tu leur faire ?
- Hélas, je ne puis rien, mais ils méritent
punition. Si vous voulez, Seigneur, je prendrai cette roche
que voilà, et j'en clorai la porte de l'église
afin qu'ils n'en sortent : je les emporterai tous ensuite
en effet.
- Fais, mais je ne te donne que les coupables.
- Alors, j'aurait tout
- Soit ! je te pose seulement une condition, c'est que
tu auras transporté cette roche à la porte
de l'église avant que minuit sonne. Sinon tu n'auras
rien…
Le Diable accepte. Il charge sur son dos l'énorme
roche, qui prend l'empreinte des épaules diaboliques.
Encore quelques pas et Belzébuth touche à l'église,
mais voilà ! tout à coup minuit sonne…Furieux,
le Diable jette la roche et pousse un cri qui répand
l'effroi dans le pays. La roche resta là jusqu'en
1860, époque où elle fut utilisée
comme on l'a dit plus haut. Qui sait si certaines gens
ne prétendront pas que, ce jour-là, le Diable
prit sa revanche ?
Source : Les usages, croyances, traditions,
superstitions de l’Yonne (Charles Moiset 1888
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