SAINTE DIETRINE
A 10 km au sud d'Avallon, dans la forêt du Morvan
qui fut longtemps inaccessible aux voyageurs et qui a gardé les
traces de civilisation ancienne, le lieu dit Vaupitre,
ou Val de la Pierre, donne asile à une roche de
forme ovoïde, cachée dans un creux de terrain
parmi les herbes hautes et les arbres feuillus. Le sommet,
légèrement creux,
Il n'est fait mention d'un quelconque Sainte Diétrine
en aucun matyrologue, et pour cause. Le parler du Morvan
use du mot "diètre" qui signifie "dartres",
pour désigner toutes les maladies qui affectent
la peau; Diétrine, c'est la Dartreuse, que l'on
a plaisamment canonisée. Car les éruptions
cutanées, tout affligeantes qu'elles sont, n'ont
pas pour effet ordinaire d'amener leurs victimes à la
droite de Dieu !
Deux légendes se rapportent à cet endroit
:
Première Légende
Une fable raconte que Diétrine, pieuse jeune fille,
fut un jour surprise par un chasseur alors qu'elle se promenait
dans les bois, et qu'elle dut s'enfuir pour échapper
aux entreprises de ce dernier. Elle ne trouva le salut
qu'en se précipitant vers la pierre qui s'entrouvrit
pour lui permettre de se dissimuler , puis se referma sur
elle, protégeant à jamais son honneur et
lui conférant le pouvoir de soulager les malades.
Il se peut qu'en cet endroit, à présent
retombé dans la solitude, un sanctuaire ait connu
jadis la vogue des grands centres de guérison de
l'Antiquité et du Moyen Age. En effet, la tradition
garde le souvenir d'un hospice ou Chapelle Sainte Madeleine, à proximité de
la route qui relie le village de Saint Germain des Champs
au hameau du Meix, sur une hauteur, et qui aurait pu donner
asile aux malades venus des régions lointaines.
D'un terrier de 1634, il ressort que l'établissement, à cette
date, était déjà ruiné.
Parmi les maladies de la peau dont les populations du
Moyen Age ont le plus souffert figure la teigne, appelée
plus communément en Bourgogne la "rache" ou "rèche",
et qui a laissé son nom à plus d'un lieu
en rapport avec les pèlerins venus chercher remède à cette
affection. C'est ainsi que le bois du Rèchat, près
de Vaupitre, témoigne de la vocation de l'endroit.
Au XIXème siècle et jusqu'aux premières
années du XXème siècle, les femmes
du hameaux voisins, le Grand et le Petit Ruissotte, avaient
coutume de guider les visiteurs qui se rendaient à la
pierre, et de leur indiquer le rite à suivre pour
incliner la Sainte à les entendre. Le parcours s'accomplissait
dans le recueillement. Ainsi préparés, les
assistants s'agenouillaient autour de la Roche, disaient
des prières, allumaient des cierges, enfin prodiguaient
les marques de vénération religieuse. Puis,
les malades trempaient les linges à l'aide desquels
ils se lavaient. Ils emplissaient aussi des flacons pour
emporter l'eau miraculeuse et parfaire la cure à domicile,
ou bien à l'intention de ceux qui ne pouvaient pas
voyager.
Aujourd'hui, les sentiers qui mènent à Sainte
Diétrine sont indiqués par des repères.
On s'y rend sans le concours d'un officiant. De fait, les
visiteurs n'ont pas déserté le lieu et l'on
cite, comme autrefois le nom de ceux qui ont trouvé remède à leurs
maux dans la clairière de Vaupitre. Car les Saintes
elles-mêmes ne dédaignent pas la Renommée
proclame leurs exploits. (1)
Source : MYTHES ET MÉDECINES DE LA BOURGOGNE
Antoinette Sloïmovici
É
dition Jeanne Laffitte Marseille
1, place Francis Chirat
13002 Marseille
(1) Abbé Tissier, La légende de Sainte Diétrine.
1907, cite des cas exemplaires de guérison : ceux
de Catherine Drahin, femme Comaille, de Jean, fils de Thomas
Lairaudat, et de Barbier, du village de Menades. La tradition
de rappeler le nom de ceux qui ont bénéficié du
pouvoir de la roche s'est conservée dans les fermes
avoisinantes.
Deuxième Légende
Charles Moiset a créé en 1885 une commission
au sein de la Société des Sciences historiques
et naturelles de l'Yonne pour retrouver usages, croyances
et traditions. A la suite d'un questionnaire détaillé envoyé dans
toute la région, en particulier aux instituteurs,
un ouvrage a pu être réalisé, édité en
1888, réédité en 1982 par les éditions
Jeanne Laffitte de Marseille. 200 communes de l'Yonne sont
citées dans cet ouvrage dont certaines du canton
de Quarré les Tombes.
A Vaupitre, commune de Saint Germain des Champs, se trouve
une grotte, dite de Sainte Diétrine, dont une cavité conserve
de l'eau de pluie qui a la propriété de guérir
les dartres. Cette eau est de si bonne composition (le
mot pris au sens figuré) qu'elle n'exige pas que
les malades se présentent en personne. Il suffit
qu'ils envoient un mandataire, lequel aura soin de réciter,
en l'honneur de Sainte Diétrine, neuf Pater et autant
d'Ave. Si le malade doit guérir, la pierre de la
grotte sue de grosses gouttes ; dans le cas où la
pierre demeure sèche, c'est que tout remède
est inutile. Arrive-t-il que la cavité qui contient
d'ordinaire de l'eau est à sec, le pèlerinage
pourra encore n'avoir pas été inutile. Près
de la cavité se trouve un ruisseau : qu'on y puise
de l'eau à laquelle on fera toucher la Saint qui
est enfermée dans la roche, l'eau acquerra aussitôt
une efficacité miraculeuse. Ce qui est indispensable
seulement, c'est de laisser, en se retirant, une offrande
en bonne espèce sonnante et ayant cours, au profit,
paraît-il, des pauvres qui forment la clientèle
de la sainte.
Comme tout s'explique, même dans le domaine des
légendes, voici d'où proviennent les vertus
de la grotte du hameau de Vaupitre : jadis, une vierge,
du nom de Diétrine, vivait dans cette contrée.
Un jour, un chasseur la découvre et la poursuit
pour lui faire violence. La vierge s'enfuit : arrivée
devant la grotte aujourd'hui en vénération,
elle s'écrie : " Ah ! pierre, si tu voulais
t'ouvrir et me cacher dans ton sein ! " Aussitôt,
la pierre , émue de ses instances désespérées,
se fend, reçoit la vierge et se referme si bien
qu'elle la recèle encore.
Mythologie
D'aucun dise qu'à l'époque des druides il
y avait des cérémonies autour de la pierre
qui exsudait de l'eau et au dessus de laquelle se trouvaient
des chênes porteur de gui.
Connaissant la qualité thérapeutique du
gui provenant des chênes, il est plus que vraisemblables
que l'eau plus le gui donnaient une décoction qui
soignait les problèmes de peau.
La présence de la jeune fille vierge est parfaitement
en accord avec le druidisme qui voulait que seules ces
jeunes filles coupent le gui.
Source : propos tenus par un ancien du Morvan
Légende et pèlerinage
Il se faisait jadis à Vaupitre un pèlerinage
en l’honneur de Sainte Diétrine, contre les
dartres. On raconte que le corps de la sainte est renfermé dans
un bloc de rocher qui, à sa prière, s’ouvrit
pour la soustraire aux poursuites criminelles d’un
chasseur. Les pèlerins disent neuf pater et neuf
ave devant ce bloc. Si le malade doit obtenir sa guérison,
le rocher sue à grosses gouttes ; s’il
reste sec, toute démarche est inutile. On boit aussi
dévotement de l’eau contenue dans une cavité de
la pierre.
S’il n’y en a pas, on en puise dans la source
voisine, qu’on y dépose pour la sanctifier
par ce contact (1)
(1)° Courtépée, tome IV nouvelle édition ;
Henri, Notice sur Saint-Germain des Champs.
Source : Le Morvand (JF BAUDIAU) Moiset 1888)
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