SAINT BRANCHER
SAINT- BRANCHER EN MORVAND OU LES-AVALLON
A sept kilomètres de Quarré les Tombes,
non loin de la route de Cussy les Forges, sur une éminence,
se trouve Saint-Brancher, petit bourg adossé au
bois Clairé. Il forme, avec ses d
A sept kilomètres au nord de Quarré-lès-Tombes,
se montre dans les terres, le petit village de Saint-Brancher,
ainsi appelée, par corruption, du nom de saint Pancrace,
martyr, auquel sa vieille église est dédiée
(1).
(1) Le culte de saint Eutrope était aussi naguère
très-populaire dans la paroisse. L'eau d'une source,
dédiée à ce saint et située
au bas du presbytère, passait jadis pour guérir
de la fièvre.
On y a découvert des tuiles à rebords, des
débris de poterie antique, des médailles… qui
démontrent l'existence d'une villa romaine en ce
lieu. Une belle maison d'école y a été construite
en 1844.
La commune renferme environ huit cents habitants, répartis
entre le chef-lieu et les hameaux d'Auxon, de Villiers
Nonains, de Saint-Aubin , de Sully…Son territoire,
l'un des moins boisé du Morvand, est assez fertile
; il compte deux mille deux cent deux hectares de surface.
La paroisse, jadis du diocèse d'Autun, de l'archiprêtré de
Quarré, est très ancienne. La collation de
la cure appartenait à l'Abbé de Sainte Marguerite,
monastère situé autrefois dans les environs
de Beaune. Le curé était décimateur
dans toute la paroisse, mais il devait, chaque année,
une rente en blé à l'Abbaye de Régny,
en vertu d'une fondation faite par Guy Besors, Sire de
Villarnoult, seigneur de Saint-Brancher et d'Auxon. Le
chapitre d'Avallon jouissait d'un droit de tierces à Villiers
Nonains.
L'église paroissiale n'est ni grande, ni belle.
Elle fut consacrée, en 1148, par Humbert de Bagé, évêque
d'Autun, ainsi que le rappelle une inscription murale,
tracée au-dessus du maître - autel ; mais
la nef, basse et sombre, avec ses baies percées
en meurtrières, est la seule partie qui date de
cette époque (1).
(1) On y remarque une jolie chaire en pierre sculptée,
ainsi que l'autel de la sainte vierge, par Espéron,
artiste d'Avallon, en 1864. Ces deux bas-reliefs ont coûté sept
cents francs chacun.
Le chœur, voûté à nervures carrées,
a été reconstruit au 14ème siècle.
Les deux chapelles latérales, dont l'une est dédiée à la
sainte vierge et l'autre à sainte Anne, sont du
16ème siècle. Cette dernière, au sud,
fut bâtie en 1512, par Jean Arhin, écuyer,
dont la tombe se voit devant l'autel. L'ancien clocher,
tout en bois, s'élevait, comme le nouveau, en avant
du portail et formait une espèce de narthex, de
l'aspect le plus triste. Il a été heureusement
remplacé en 1856, par une tour en pierre, surmontée
d'une haute flèche, couverte d'ardoises et construite
sur les plans et devis d'Emile Amé, architecte à Avallon
(2).
(2) Curés de Saint-Brancher
Jean Segault, 1650
François de Livry, 1660
Moisson, bachelier en théologie, 1671
Jean Milot, 1677
Jean Cornotte, 1682
Noël de Vieuville, 1698
Daniel Bardet, 1710
Antoine-Joseph Raquin, docteur en théologie, 1712
Il bénit une cloche pour son église en 1749
Jean-Baptiste Monnot, brûlé dans le château
du Vault, en 1766
Jean-Baptiste Monnot, neveu du précédent,
lui succède
Hilaire Robert, 1780
Louis-Nicolas Chaussard, 1802
Charles Vosgien, 1812
Claude Mouret, 1825
Claude Comparet, 1834
Augustin Lestre, 1853
Charles Mathieu, 1858
La sacristie date de 1862.
Il se tient à Saint-Brancher, le dimanche qui suit
le 1er mars, un apport avec louage de domestiques, il y
a été transféré du hameau de
Saint- Aubin, dont nous parlerons plus bas.
La paroisse de Saint-Brancher renfermait jadis plusieurs
seigneuries dans la mouvance du duché de Bourgogne, à cause
du comté d'Avallon. Celles du chef-lieu et d'Auxon
appartenaient à la maison de Villarnoult, dont plusieurs
membres ont porté ces noms. Leurs justices, hautes,
moyennes et basses, unies à celle de la baronnie,
s'exerçaient, en ces derniers, en ces derniers temps à Rouvray.
Le roi avait à Auxon deux meix, en toute justice,
qui devaient chacun neuf gros de bourgeoisie.
A un demi-kilomètre de ce hameau, on a découvert
en 1863, les ruines d'une ancienne villa, que la Société d'Etudes
d'Avallon a fait fouiller. Les travaux de déblai
ont mis au jour une salle de bains et plusieurs autres
appartements, pavés en mosaïques, des tuiles à rebords,
des débris de vases antiques…. Là,
comme partout, la féodalité s'implanta dans
une possession romaine.
A l'est de Saint-Brancher, sur la rivière du Trinclin,
est le moulin de Pontriaux, près duquel se trouve
une fontaine, qui jouissait d'une certaine célébrité, à l'époque
gallo-romaine. On y remarque des restes de construction
et des morceaux de brique. Plus loin, sur le beau plateau
dit Les Chambrottes sont les ruines d'une importante villa,
dont les matériaux gisent çà et là,
dans les haies. Nous y avons vu des fragments de tuiles à rebords,
de briques, des vases antiques, des scories…. L'emplacement,
livré. à l'agriculture, offre encore une
hutte couverte de matières calcinées. Ce
lieu passait jadis, dans l'imagination des paysans, pour être
le rendez-vous des sorciers des environs. Tantôt
on voyait sortir de la forêt voisine de nombreux
et brillants équipages; tantôt c'étaient
des chevaux bondissant sur le gazon, des personnages, au
regard menaçant, des chiens, courant de part et
d'autres, et disparaissant avec un épouvantable
fracas… Nous ne doutons pas que ces récits
ne soient un souvenir confus des barbares, qui détruisirent
cette luxueuse habitation du 5ème siècle.
Au sud, sur le chemin de Saint-Aubin, à l'entrée
d'un bois, on rencontre d'autres décombres romains,
non moins intéressants et connus sous le nom d'Avie.
Entre ce hameau et la route de Quarré-lès-Tombes à Avallon,
est le Champ-du-feu, tout couvert de ruines et de débris
semblables.
Villers-Nonains, Villare Monachorum, gros hameau, au nord,
traversé, dans toute sa longueur, par la route
de Quarré-lès-Tombes à Cussy-lès-Forges,
a pris son nom d'une ancienne villa romaine, et son surnom
d'une possession monastique. A peu de distance, au sud-ouest,
au "Champ-des Mazières", on découvrit,
en 1832, des ruines, avec des pavés antiques,
des débris de tuiles à rebord, de poteries,
des statues en marbre et des médailles de Domitien,
de Constantin et de Crispus, son fils. Ce hameau formait
autrefois deux fiefs, en toute justice, dont l'un appartenait à l'Abbaye
de Régny et l'autre au seigneur de Marault. Celui-ci
pouvait instituer juge, procureur et sergent, connaissant
de toutes sortes de causes. Les amendes pour batture étaient
de soixante-cinq sous, et, s'il y avait excès, à l'arbitrage
du juge ; pour les bêtes, mésusantes dans
les forêts, si elles étaient prises par
le sergent seul, l'amende était de sept sous ;
si elles étaient trouvées par et officier,
avec deux témoins, elle était de soixante-cinq.
Achille d'Anssienville affranchit les habitants, en 1609.
Ceux-ci reconnurent au terrier qu'il fit renouveler la
même année, qu'outre la justice et autres
droits seigneuriaux, il lui était dû six blancs
ou deux sous et demi par livre de remuement, deux boisseaux
d'avoine, mesure d'Avallon, par feu, à la Saint-Martin
d'hiver, pour cuire leur pain et pitance où bon
leur semblait ; dix deniers pour l'usage et le champoyage
de leurs bêtes, tant grosses que menues, dans les
bois des Rivières et des Cohées, depuis la
justice de Méluzien, et dans ceux de la Fromagère
et de Babère…Le lendemain de Noël ; un
oison, chacun, à la Saint-Jean-Baptiste, pour champoyer
dans le bois de la forêt, hors le temps de grainier,
cinq deniers pour pêcher dans le Cousin ; une géline
pour le feu et cinq sous de bourgeoisie, à la Saint-Rémi.
Enfin le 13 septembre 1609 les coutumes d'avoine furent
changées en une tierce sur tous les grains, excepté les
chanvres, pois, fèves, lentilles et navettes (1).
(1) Archives 'Avallon; BOILLEAU; Dijon, Recueil des fiefs
d'Auxois, tome IX
Un incendie, causé par imprudence, dévora
ce hameau , en partie en 1846.
Saint-Aubin, Santus Albinus, au sud, a pris son nom d'un
antique oratoire, dédié à cet évêque,
qu'on y vénérait d'un culte tout particulier.
Sa fête, qui se célèbre le 1er mars,
donnait lieu à un grand concours de pèlerins,
qui dégénéra en apport, lequel se
tient actuellement à Saint-Brancher la chapelle
bâtie sur le bord de l'étang a été démolie
au commencement de ce siècle, à la suite
d'un ouragan qui emporta le toit, en 1809. Elle avait dix
mètres de long et cinq de large. Au chevet se trouvait
une source, qui jouissait d'une grande réputation
curative, surtout contre la colique. A quelques pas des
ruines, à l'ouest, on voit une tombe, que le peuple
dit être celle de saint Aubin. Un particulier l'ayant
enlevé, en fit une auge pour abreuver le bétail
; mais il le perdit presque tout, dit-on, et il dut ramener
la tombe où il l'avait prise. C'est ajoute-t-on
qu'elle n'avait point été faite pour un tel
usage.
La terre de Saint-Aubin, fief avec haute, moyenne et basse
justice et prévôté, mouvait aussi du
duché de Bourgogne. Le seigneur avait droit d'instituer
tous les officiers, comme juge, prévôt, greffier,
sergent, garde-bois et d'élever un signe patibulaire, à deux
piliers. Saint-Aubin avait sa mesure particulière.
Les habitants furent affranchis en 1534, et reconnurent
alors devoir, chaque année, cinq sous de bourgeoisie,
une poule de coutume, deux boisseaux d'avoine pour le droit
d'usage et pacage dans les bois, une gerbe de messerie,
les tierces de toutes leurs terres, à raison de
vingt gerbes l'une, le droit de mesure sur les grains et
le vin...
Cette terre fut long-temps possédée par
des seigneurs de son nom. Jean de Saint-Aubin, chevalier,
sieur du lieu, de Dun et de Chalaut, vivait en 1280. Il
laissa d'Agnès, son épouse trois fils, Guillaume,
qui lui succéda dans ses seigneuries ; Guyot et
Hugues, qui se fit moine à Cluny. Le premier épousa
Eglantine du Boischat ou Bouchet, qui se remaria avec Etienne
de La Tournelle, et finit par se faire religieuse au Reconfort.
Elle eut de son premier mari deux fils : Hugues, seigneur
de Saint-Moré, et Jean, chambellan du duc de Bourgogne,
sieur de Saint-Aubin, de Chalaut, de Dun, du Meix-de-Saint-Germain… Celui-ci épousa,
en 1347, Jeanne de saint-Verain, et laissa trois filles
: Alixant, mariée à Girard de Châteauneuf,
sieur de Vilaines, morte sans hoirs, Jeanne, qui épousa
Philibert de Dangeul, et Annette, femme de Huguenin du
Blé. Leurs enfants vendirent Chalaut, et probablement
Saint-Aubin en 1440. (1)
(1) Archives du château de Vésigneux.
Quoi qu'il en soit, cette seigneurie appartenait, au commencement
du siècle suivant, à la maison de Fontenay.
Guy, grand archidiacre de Nevers, chanoine de cette église,
licentié en l'un et l'autre droit, et curé de
trois paroisses, était seigneur de Saint-Aubin,
de Durot, Lautreville, la Verdière, Chassigny, Villers,
Annéot, Island…en 1534. Il fit renouveler,
la même année, un terrier commun, pour tous
ces fiefs, par Jean Le Foul et Jean Limogre, et se montra
bienveillant envers ses sujets, qu'il affranchit, la même
année, et auxquels il donna usage et pacage dans
ses bois. François de Babutte en fit aveu le 14
avril 1592. Il portait : D'argent, à trois fleurs
de pensée d'azur.
Saint-Aubin passa ensuite à Philibert de Châlons
ou Châlon, qui se disait aussi seigneur de Sully,
Durot…, en 163O. Il mourut, trente cinq après,
avec le titre de colonel d'infanterie, de maître
d'hôtel ordinaire du roi, et laissa de Jeanne de
Goureau, plusieurs enfants, Charles, l'aîné,
reprit de fief pour Saint-Aubin, le 6 juin de la même
année, et y fixa quelque temps sa demeure.
Sully-Montchanin, autrefois Soilly, était une autre
terre, en toute justice, mouvante du duché de Bourgogne
et de la baronnie de Villarnoult, et dont la plus grande
partie se trouvait sur Beauvilliers ; mais le château,
son pourpris et le moulin banal étaient de Saint-Brancher.
Ce manoir et la chapelle, qui avait interdite, en 1698,
ont disparu. Il ne reste qu'une tour découronnée
et la ferme.
Cette terre eut des seigneurs de son nom, Isabeau de Sully épousa
Guillaume de La Mothe, avec lequel elle fit une fondation
dans l'église de Beauvilliers. Philibert de Châlons,
sieur de Saint-Aubin, en donna dénombrement le 18
mai 1632. Il acquit, le 14 septembre 1646, une partie de
Lautreville et de Villers-lès-Pautots, et mourut
en 1665, laissant, par son testament, l'usufruit de Sully à Jeanne
de Goureau, sa femme, qui reprit de fief, le 4 août,
deux ans plus tard. Ce gentilhomme vécut dans une
grande intimité avec Urbain Le Prestre, père
du Maréchal de Vauban. Sur le tronc d'un des plus
vieux arbres du verger de Sully, on lisait encore, au dernier
siècle : C'est Vauban qui m'a édifié.
Il eut, au moins, deux fils : Charles, qui suit, et Jean,
lieutenant-colonel, en 1648 (1).
(1) COURTEPEE, nou. Edit. tome IV registres de Saint-Brancher
Charles de Châlons, qui s'était fixé momentanément à Saint-Aubin,
revint habiter Sully, après la mort de sa mère,
et en reprit le fief le 27 janvier 1683. Il en fit autant
pour Beauvilliers, qu'il venait d'acquérir. Ce seigneur
s'unit à Anne de Certaines, qui mourut jeune, et,
en deuxièmes noces, à N. de Vercizy, avec
laquelle il vivait encore en 1703. Il laissa une fille,
Jeanne-Renée, qui épousa René de Fresne, écuyer,
seigneur de Fresnoy, de Montjallin…, dont elle était
veuve en 1714, époque où elle fit aveu, le
14 avril, au nom de ses enfants mineurs : César-Edme-François,
Suzanne et françoise de Fresne. Le premier renouvela
ce devoir le 20 mars 1739. Il avait épousé Marguerite
de Damas de Cormaillon , baronne de Villiers-en-Morvand,
dont il vivait séparé. Le curé de
Saint-Brancher a consigné, dans le registre de cette
année-là, son insigne ladrerie. Il mourut,
ainsi que son fils unique, Charles-César-Auguste,
au château de Ruère, en deux mois d'intervalle,
en 1761, et fut inhumé, en grande pompe, dans le
chœur de l'église de Saint-Brancher. Ses biens
passèrent alors à son neveu et filleul, César-Edme-François
de Fresne de Montjallin, mousquetaire, qui en reprit de
fief en 1766.
Source : Le Morvand par J.F. BAUDIAU
(tome III) - Page 180 à 186
Documents photocopiés par la Société d'Etudes
d'Avallon - mars 2007
Texte recopié dans son intégralité
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