SAINT BRANCHER
NOTICE HISTORIQUE SUR LA COMMUNE DE SAINT-BRANCHER
A sept kilomètres de Quarré-les-Tombes,
et un environ de la route de Cussy-les-Forges, se trouve,
sur une éminence, la commune de Saint-Brancher,
adossée au bois Clairé, au midi, et découverte
sur tous les autres points. Elle compte huit cents habitants
(1) disséminés sur un territoire de deux
mille deux cent deux hectares. Le bourg se compose de vingt-trois
habitations çà et là éparses.
Il dépendait autrefois de la justice et baronnie
de Villarnoult ; l'école et la mairie occupent un
superbe édifice construit en 1844, alors que le
gouvernement semblait prendre à tâche de rendre
les bâtiments civils supérieurs aux édifices
religieux. Il domine par son élévation toute
la contrée.
(1) Courtépée y comptait de son temps
(1776) 80 feux ou trois cent soixante habitants.
On a tiré le nom de Saint-Brancher, Branché,
ou Branchey, de celui de son patron saint Pancrace. Les
registres de catholicité du 17ème siècle,
portent : baptisé ou inhumé dans l'église
de Saint-Pancrace, vulgairement Saint-Brancher. Un hameau
de ce nom est à Saint-Bonnet-de-Joux en Charolais.
On voyait dans la même contrée, en 1368, la
Motte-de-Saint-Pancrace, patron du village de Saint-Branchier,
où elle se trouvait. On rencontre aux environs du
Mont-Saint-Bernard, une paroisse dont le nom est orthographié de
même. Autun, avant 1789, possédait une église
de Saint-Brancher. C'est à cause de ces homonymes
qu'on disait autrefois Saint-Brancher-lès-Avallon,
ou près d'Avallon, ou en Morvan.
Le portail de l'église, dépourvu d'architecture,
vient d'être l'objet d'une élégante
restauration. A la place d'un petit fronton, haut de trois
mètres, qui ne datait que de 1816, et d'une flèche, également
basse et couverte en bardeaux, on a élevé,
en 1856, un portail et un clocher, dont la petite tour
carrée, que surmonte une flèche, flanquée
de quatre clochetons, attire l'attention. Une travée
de voûtes en briques commence à remplacer
les douves et les plafonds de la nef enfoncée dans
les terres.
Le pignon qui fermait le chœur, ne laissant qu'une
ouverture à plein cintre, semblable à une
porte cochère, a été, en même
temps, démoli, grâce au zèle du maire
Jean Santigny. Il aura laissé, en mourant, un bon
souvenir de son passage aux affaires de la paroisse. On
voit toujours dans la nef de petites fenêtres: c'était
le goût des anciens qui voulaient, par là,
ajouter au recueillement des fidèles, d'ailleurs
lorsque très peu de personnes savaient lire, à quoi
bon des flots de lumière ? Le chœur a une grande
fenêtre et une voûte à nervures, mais
basse et d'un travail peu délicat.
Une chapelle de la vierge et une autre de sainte Anne
forment le transept : la première est due aux seigneurs
de Villarnoult et de Sully. Ceux de ce dernier hameau reposent
dans le chœur de l'église; la seconde chapelle,
plus moderne et mieux bâtie, est de l'année
1512. Son fondateur est Jean Arhin, dont le corps a été inhumé devant
l'autel, sous une tombe entourée d'une inscription
On voyait aussi son nom et la date de l'édifice
sur la bordure coloriée du vitrail (1).
(1) En 1826, un vitrier, en la réparant, emporta
la bordure coloriée, qu'il remplaça par du
verre blanc.
Le curé Charles Mathieu a rebâti la sacristie
en 1862; on regrette qu'il n'ait pas consulté un
architecte.
Cette église, y compris le narthex, est longue
de vingt sept mètres; sa largeur est de sept mètres
trente-trois centimètres; le transsept a vingt-trois
mètres sur quatre de largeur; la hauteur sous clef
n'est que de cinq. Elle fut consacrée par Humbert
de Bagé, évêque d'Autun, en 1150, comme
le porte une inscription placée au-dessus du maître-autel.
On sait par tradition, qu'elle a été incendiée
alors que la nef était couverte en chaume; c'est
pourquoi on a trouvé, en démolissant le pignon
dont nous avons parlé, des pierres noircies et calcinées.
La collation de ce bénéfice appartenait à l'abbé de
Sainte-Marguerite, monastère des environs de Beaune
(2).
(2) Une croix de ce nom, établie à Quarré,
sur la voie romaine, là où elle est coupée
par la route de Saint-Léger, dénote que ce
couvent avait aussi du bien en cet endroit.
Le curé était décimateur, mais il
devait, chaque année, en vertu d'une donation faite
par Guy Besors de Villarnoult, une rente de blé à l'abbaye
de Regny.
Après le patron, un martyr très révéré dans
la paroisse est saint Eutrope, premier évêque
de Saintes. Les infidèles lui cassèrent la
tête avec une hache. Son chef portant cette marque
glorieuse, est conservé dans la cathédrale
de la ville. Sa statue, érigée, dans l'église
de Saint-Brancher, le représente avec un costume
d'évêque, tenant d'une main sa crosse et de
l'autre une hache, symbole de l'instrument qui lui avait
donné la mort. Avant la construction de la chapelle
de Sainte-Anne, il avait un autel appliqué au pignon
fermant le chœur (1).
(1) Les saints ou saintes du nom d'Eutrope, révérés
dans l'Eglise sont au nombre de cinq, dont deux évêques.
Celui qu'on honore à Saint-Brancher est le seul
qui ait été martyrisé.
Une fontaine, autrefois en vénération, qu'on
voit à fleur de terre, au bord du chemin qui longe
l'ouche de la cure, lui est dédiée. Jusque
dans ces derniers temps, on y faisait une procession le
30 avril, jour de sa fête, ou le dimanche qui la
suit. Après y avoir fait une station, on se rendait à une
croix monumentale (2) sur le chemin de Saint-Aubin, par
où l'on revenait à l'église. Pendant
la révolution de 89, la statue en bois de saint
Eutrope fut cachée dans la fontaine de son nom,
que l'on couvrit de longues pierres. Lorsqu'elle en fut
retirée, plusieurs années après, pour être
replacée dans l'église, elle était
dans un état de mutilation à cause de son
séjour dans l'eau.
(2) Elle avait sur quatre faces six marches en pierre
blanche. En la réparant, on vient de les réduire à trois,
non compris le socle. Sa tige a quatre mètres d'élévation.
Cette fontaine jouit d'une certaine célébrité pour
guérir les fièvres, c'est pourquoi on boit
de son eau, qui emprunte aussi sa vertu de la puissance
de la prière. On y trempe des chemises; si quelques
endroits demeurent secs, le malade ne doit pas mourir,
si au contraire, elles touchent au fond toutes mouillées,
la mort doit s'en suivre. On en dit autant, à Dun,
de la fontaine de Saint-Marc.
La paroisse de Saint-Brancher fait partie de celles où l'esprit
religieux s'est le mieux conservé ; peu de fidèles
manquent au devoir pascal. Elle doit sa persévérance
au zèle des vénérables pasteurs qui
se sont succédés au milieu d'elle: voici
leurs noms depuis 1660 :
Jean Segaut, mort en 1660.
François de Livry, desservant par commission de
l'évêque d'Autun meurt en 1668.
Paulpoix et Julien Perreneau, son successeur, exercent
le saint ministère en vertu d'une semblable commission,
l'un en 1669 et l'autre l'année suivante.
Moisson, bachelier en théologie, transféré à la
cure de Saint-Etienne de Vézelay, meurt en 1671.
Son vicaire, Etienne Soliveau, était desservant
de la paroisse de Villarnoult.
Jean Milot ou Melot, mort en 1677.
Jean Cornotte en 1688.
Noël Vieuville en 1698.
Daniel Bardet, mort en 1712, à l'âge de cinquante-deux
ans.
Bertheau, curé de Rouvray, et Manin, son vicaire,
font le service de la paroisse pendant l'intérim.
Antoine-Joseph Racquin, docteur en théologie, né à Avallon,
en prend possession le 12 juin et la gouverne pendant cinquante
et un ans.
En 1727, Pierre Barbe, vicaire de Rouvray, et Georges Moreau,
chanoine de Cervon, font, pendant quelques temps, le service
paroissial. Deux ans après, le curé Racquin
fait exécuter, à ses frais, un maître
autel, avec son rétable, et pour le Saint-Sacrement,
un trône, appelé aujourd'hui exposition, et
deux crédences.
Le 15 novembre 1749, il bénit pour son église
une seconde cloche qui fut nommée, Antoinette-Marie.
Il était assisté de Jean-Baptiste Grognot,
curé de Bussières, de Jean-Baptiste Beau,
clerc du diocèse d'Auxerre et chapelain de Saint-Joseph,
dans l'église de Saint-Lazare d'Avallon, et d'un
grand nombre de paroissiens, accourus à cette cérémonie
(1).
(1) La cloche eut pour parrain Antoine-Joseph Oudaille, âgé de
huit ans, fils d'un cultivateur, et pour marraine Catherine
Millot, âgée de neuf ans, fille du chantre
de l'église. Raquin fait connaître, par une
note insérée à la fin de l'année
1749, qu'il était chaud partisan du jansénisme.
Grognot, curé de Bussières, partageait ses
convictions.
Il se plaint amèrement du sieur de Fresne et de
la dame de Damas, du château de Maraut, ainsi que
de quelques autres qui avaient refusé d'être
parrain et marraine de la cloche, pour se soustraire aux
largesses qu'imposent ces sortes de cérémonies,
ajoutant que de Fresne, depuis plus de trente ans qu'il
habitait le château de Sully, situé sur sa
paroisse, n'avait jamais donné à son église
la valeur d'une tête de clou ; nous omettons la flétrissure
qu'il inflige à l'avarice de ces deux personnages.
C'est ce même de Fresne qui, lorsque Jean Rousselot,
curé de Saint-Léger, voulut rebâtir, à ses
frais, le presbytère, se mit à la tête
d'une cabale pour y mettre opposition et le traduisit devant
les tribunaux, où il fut lui-même complètement
débouté.
Trois fondations sont venues honorer l'administration
du curé Raquin : la première est due à Lazare
Sollier, de Villiers-Nonain, qui, en 1719, moyennant cinquante
sous de rente, assura à perpétuité,
pour le repos de son âme, une messe basse avec De
profondis le jour de saint Lazare, son patron, et un service,
avec vigiles et libera sur sa tombe, le 8 septembre, jour
de son inhumation.
La seconde est de Joseph Charier, inhumé dans l'église,
le 10 du même mois, il donna quarante sous de rente
pour la fondation de quatre messes basses pour le repos
de son âme et de celles de son père et de
sa mère.
En 1740, Jean Bierry, appartenant à la famille
du fondateur de la chapelle de Saint-Anne, ajouta douze
messes à ces legs pieux.
Racquin eut pour successeur Jean Baptiste Monnot auquel
il résigna le 9 avril 1763, et qui mourut brûlé au
château de Vault, le 11 février 1764.
Jean-Baptiste Monnot, neveu du précédent,
né à Saulieu en 1736, prit possession et
mourut la même année, à l'âge
de 28 ans. Blaise Bégon, curé de Quarré,
assisté de Grognot, curé de Bussières,
procédèrent à son inhumation dans
l'église.
Hilaire Robert, natif de Rouvray, passe en Suisse pendant
les mauvais jours de la révolution, revient à Saint-Brancher
et y meurt le 19 janvier 1802, âgé de soixante
huit ans.
A partir de cette époque, les évêques
de France obligent les desservants à changer fréquemment
de paroisse.
Louis-Nicolas Chaussard, né à Avallon, quitte
Saint-Brancher en 1812, et passe à Saint-Léger,
où il reste six ans, prenant le titre de curé de
ces deux paroisses. Après en avoir occupé plusieurs
autres, il meurt desservant de Brazey, dans le diocèse
de Dijon.
Saint-Brancher est sept ans sans pasteur ; le desservant
de Saint-Léger y exerce, de temps à autre,
un service de binage.
Charles Vosgien, natif d'Estissac, dans le diocèse
de Troyes, et actuellement à Cerisy-les-Grands-Ormes,
en est recteur jusqu'en 1825.
Claude Mourey, du diocèse de Besançon, la
régit et retourne dans sa famille en 1834.
Claude Comparet, habile théologien, né au
diocèse d'Autun, après l'avoir gouvernée
dix-neuf ans, passe à Blacy, menacé de cécité,
il se retira Avallon en 1864, pour y finir ses jours.
Auguste Lestre, originaire de Sémur, rentra, au
bout de quatre ans, dans le diocèse de Dijon.
Charles Mathieu, né à Loose en 1816, termine
la série de ces prêtres vénérés.
On lui doit deux morceaux de sculpture en pierre blanche
d'une finesse d'exécution remarquable (1). Ce sont
l'autel de la vierge avec son rétable, formé d'une
niche entre deux colonnes et une belle bordure, ensuite
une chaire à prêcher, où l'on admire à la
fois les quatre évangélistes, ornant les
panneaux, la rampe découpée à ce jour,
et l'abat vois, surmonté de la naissance d'une pyramide.
On regrette que ces travaux d'art n'aient pas plus de développement.
(1) Ces deux bas-reliefs sont dus au ciseau de M. Espéron, établi à Avallon,
et ont coûté chacun sept cents francs.
Reprenons la suite de l'histoire de Saint-Brancher. Cette
commune se trouvait dans l'état des Eduens, nation
la plus civilisée de la Gaule, elle avait attiré jusque
dans le Morvan de riches particuliers, qui y avaient bâti
de superbes résidences, ornées de sculptures,
de statues, de salons parquetés de mosaïques…Des
découvertes récentes, dont deux sur le territoire
de Saint-Brancher, ont relevé l'existence de ces
belles villas qui attestent une grande opulence, fruit
d'une antique civilisation détruite par des armées
barbares.
A deux cents pas à gauche de la route allant à Cussy,
se trouve le canton des Mazières, c'est-à-dire
des Masures ; on y découvrit, en 1832, des restes
très-remarquables d'antiquité. Le propriétaire
de ces ruines voulut profiter de la construction de la
route de Cussy pour débarrasser son champ de décombres
qui empêchaient la culture, car presque toutes les
pierres propres aux constructions en avaient été enlevées
les siècles précédents.
Au niveau du sol, on mit à découvert un
fragment de carrelage de quatre à cinq mètres, établi
sur un lit de pierres posées sur champ et à sec.
Il se composait d'une couche de ciment de couleur grise,
dans lequel on avait incrusté des petites pierres
noires et blanches de la grosseur de noix et de noisettes
; on avait, ensuite par le frottement, avec le grès
et la pierre-ponce, comme on peu croire, donné à ce
carrelage le poli et le luisant du marbre ; il figurait
une sorte de mosaïque, mais sans dessins marqués
; les fragments que nous en avons vus ont sept à huit
centimètres d'épaisseur.
Chaque époque à son luxe ; n'avons-nous
pas aujourd'hui nos salons parquetés en bois de
chêne, nos meubles plaqués en acajou ou en
noyer, avec des nuances plus ou moins remarquables et couverts
de tables de marbre, nos cheminées aux parements
et tablettes de même. A la date de nos mosaïques,
les riches montraient dans leurs châteaux des salons
au carrelage transparent.
La mosaïque trouvée sur la paroisse de Saint-Germain,
dans le bois des Chagniats, peu éloigné de
la voie romaine de Quarré à saint Père,
a été transportée au château
de Chastellux. Elle représente des poissons, des
coqs, exécutés avec une ressemblance frappante.
Les matériaux employés sont de petits morceaux
de marbre de diverses couleurs, taillés carrément
et réunis avec une diversité étonnante.
La mosaïque fut en honneur sous les empereurs Justin
et Justinien, surtout sous le règne de ce dernier,
qui bâtit Sainte-Sophie à Constantinople.
Ce beau travail détrôna la peinture et devient
l'art des Grecs du bas Empire. Dès l'an 425, sous
Théodose II, on préférait à la
peinture la mosaïque plus brillante et formée
quelquefois de métaux précieux ; on l'employait à l'ornement
des temples et des palais. Pendant la domination des hordes
du Nord, au 5ème siècle, il y eut comme un
sommeil répandu sur tous les travaux de l'intelligence.
Les seuls objets d'art de cette époque sont les
mosaïques, servant à paver les appartements
et les salles de bain ; les petites fortunes y suppléaient
par ces pavages tels qu'on en a découverts à Saint-Brancher, à Buissières,
au Moulin Colas, sur la paroisse de Quarré. Ces
rapprochements de l'histoire nous aident à découvrir
l'époque de ces superbes constructions, qui ont
disparu et dont les beaux restes nous jettent dans l'étonnement.
Au 10ème siècle, les Normands détruisirent
dans nos pays un nombre considérable de monuments,
dans les ruines desquels on retrouve des objets d'art,
comme des frises, des chapiteaux, des statues mutilées,
tout a péri, excepté quelques mosaïques,
encore a-t-il fallu en refaire la moitié sur les
dessins de ce qui restait pour les présenter aux
regards de la postérité, c'est ce que le
comte César-Laurent de Chastellux a été obligé de
faire pour celle des Chagniats.
Terminons l'histoire des découvertes qui ont eu
lieu à Saint-Brancher. En continuant l'enlèvement
des décombres, on trouva un bras et quelques fragments
d'une statue en pierre blanche, trois médailles,
une de Domitien (1), une de Constantin ou de Crispus, car
son état d'oxydation ne permettait pas de la reconnaître,
la troisième était fruste.
(1) La légende est : Coesar Aug.fr.Domitianus Cos.
Au revers on voit un génie entre ces deux initiales
S.C
On remarqua aussi des pierres blanches avec des moulures,
un fût de colonne creusé à la sommité,
que les ouvriers prirent pour un bénitier, parce
qu'on en trouve de semblables dans quelques églises
du Morvan. On a aussi mis à découvert un
puits et quelques fondations qu'on a démolies à trente
centimètres de profondeur pour y faire passer la
charrue, le sol est jonché de fragments de tuiles à rebord,
de poteries, de carrelages qui se dissout. Les décombres étaient
en si grande quantité qu'ils suffirent pour ferrer
un kilomètre de la route. Près de là,
se trouvait un bois d'environ un hectare, qui fut défriché en
même temps, c'était un appendice d'usage pour
les châteaux du temps ; ces splendides établissements
devaient souvent leur origine à des légionnaires
qui échangeaient l'épée pour la charrue,
ou qui, usant de leur droit de conquête, se fixaient
dans les lieux qui captivaient leurs goûts.
A deux kilomètres au-dessous d'Avallon, hameau
de Saint-Brancher, eut lieu, en 1863, une découverte
bien plus intéressante ; à cent pas en deçà du
ru de la Prairie, au bord du chemin, à gauche en
descendant du hameau, on trouva les fondations d'un corps
de bâtiment long de quarante à cinquante mètres
sur sept environ de profondeur. La Société d'Etudes
d'Avallon acheta la permission d'y faire des fouilles ;
d'abord ont mis en évidence un long mur de fondation
qui s'élevait déjà au-dessus du sol,
on distingua parmi les pièces que renfermait l'édifice
une salle de bains de quatre à cinq mètres
carrés, tout le carrelage était une mosaïque,
formée de petites pierres blanches, noires et rouges
; elles étaient incrustées dans une couche
de ciment blanc de douze centimètres d'épaisseur,
et formaient des losanges longues de trente-trois centimètres
s'adaptant en ligne, les unes dans les autres ; la largeur
des bandes avait quatre centimètres et étaient
noires incrustées dans un fond rouge et blanc ;
d'autres qui entouraient la salle étaient rouges
et noires, sur une largeur de huit centimètres :
toute la surface avait une pente légère,
convergeant vers le centre, où se trouvait un bassin
carré de soixante-six centimètres sur chaque
face, et d'une profondeur qu'on ne peut préciser
; c'était, peut-être une fontaine, car le
sol est aquatique. Autour de cette pièce, se trouvaient
encore des lignes de pierrettes rouges et de carreaux de
même couleur, en terre cuite, ciselés en zig
zag, pour faire écouler l'eau.
A côté de cette pièce, il s'en trouvait
une autre distinguée par des dessins différents,
c'étaient de grands carreaux formés par des
ronds de petites pierres noires, puis des rouges, ensuite
des blanches, de noires ! chacune de ces bandes avait huit
centimètres de largeur, ces pierres, à l'intersection
des couleurs, étaient sciées et limées
avec un grand soin, ce qui donnait aux dessins beaucoup
de régularité. La Société d'Etudes
se proposa d'abord de transporter une partie de ces mosaïques à Avallon,
pour en paver une chapelle de Saint-Lazare, mais elle en
a été empêchée par les frais
qu'auraient entraînés leur transport et leur
restauration. Nous regrettons qu'elle n'en ait pas déposé un échantillon
dans son musée. Les pierrettes, aussi dures que
le marbre, étaient polies les filets de ciment blanc
qu'on distinguait entre elles ajoutaient à la grâce
de la marqueterie.
A deux cents pas, au sud, il existe un bois de plusieurs
hectares, et, en face de l'édifice, une belle prairie
traversée par un ruisseau ; cet emplacement paraît
avoir été choisi à cause de l'eau
qui s'y trouve en abondance.
On n'a rencontré aucun indice de la date de cette
construction, mais seulement la page lugubre de sa dévastation
; les champs voisins sont fermés de murs dont les
pierres posées à sec, en proviennent, comme
le prouve leur identité avec celles des fondations
de l'édifice ; le sol est couvert de fragments de
tuiles à rebords, de briques rouges très-épaisses
et de carreaux d'une exécution variée.
Ces travaux d'art, qui avaient coûté tant
de sacrifices à leurs maîtres, sont aujourd'hui
brisés et jetés avec indifférence
au milieu des chemins pour être foulés sous
les pieds du bétail, et remplacés par des
champs de blé et d'avoine ; ainsi passe la gloire
du monde.
Saint-Brancher renferme bien d'autres vestiges d'antiquité ;
ainsi au-desous du chemin qui conduit de la route d'Avallon à Saint-Aubin,
se trouve le champs-du-feu, plein de décombres et
surtout de tuiles romaines. A l'entrée du bois,
entre Saint-Brancher et Saint-Aubin, on voit Avie avec
ses restes de construction anciennes.
Parlons de Chambrotte, ce château féerique,
encore plein de souvenirs merveilleux. C'était,
selon la tradition, un manoir, situé à un
kilomètre au-delà du moulin de Pontriaux,
dans la direction de Cussy, au-dessous d'un bois, il exista
longtemps à l'état de démantèlement,
il s'y trouvait encore des chambrettes, d'où est
venu son nom. Les oiseaux de proie, les bêtes fauves
s'y retiraient la nuit et faisait retentir la forêt
de leurs cris perçants. Aujourd'hui il n'y reste
plus que l'emplacement. On vient d'enlever des fondations,
dont les pierres ont été transportées à Villiers-Nonain
; les décombres ont été entassés
dans des conduits d'un mètre de profondeur sur un
et demi de largeur, et recouverts de terre végétale
pour la culture. On a trouvé de grands carreaux
de terre cuite, à six pans, et une figure en bas-relief,
des cendres…
On assure qu'il y a, dans un endroit que l'on montre,
un souterrain avec des peintures murales. Le propriétaire
voulut y faire des fouilles, mais sa mère en mourant
le lui défendit expressément, parce que,
disait-elle, c'était le repaire de mauvais génies
et qu'il pourrait en résulter quelque malheur pour
lui.
On fait remonter le bruit et les apparitions au dernier
habitant du château, homme très-méchant
qui avait répandu, de tous côtés, la
terreur ; lorsqu'il fut mort, sa demeure abandonnée
servit à tenir le sabat. Les habitants de la contrée
sont tellement pénétrés de ces idées
sinistres, qu'ils ne passent pas dans cet endroit sans
se persuader qu'ils voient ou qu'ils entendent quelque
chose d'extraordinaire (1).
(1) Ainsi, on y a entendu dans les airs, un bruit de charriots
et d'armées s'entrechoquant. On cite surtout deux
petits chiens, allant et venant par le même chemin,
et aboyant continuellement : sont-ils arrivés dans
le bois, le bruit qu'ils font est tel qu'on dirait qu'ils
en abattent tous les arbres. Une femme de Villiers-Nonain,
gardant du bétail en cet endroit, vit venir à elle
un homme d'une haute taille et à la mine distinguée.
Sans lui adresser une seule parole, il reprend le chemin
du bois et disparaît à ses yeux. Aussitôt
elle revient au village semer la terreur. Sept jeunes gens,
qui revenaient de Cussy, en traversant Chambrotte, entendirent à leurs
pieds, un bruit violent qui alla finir dans la forêt,
puis, c'était la voix d'un homme qui poussait des
cris. L'un deux, qui avait fait de fortes libations s'étant
permis de lui répondre, fut saisi d'effroi et dégrisé tout à coup.
Ces histoires de revenants intéressent nos villageois.
Nous avons aussi, avec M. Baudiau, curé de Dun,
exploré cet emplacement sans qu'aucun des mauvais
génies du lieu soit venu troubler notre excursion.
En 1698, le cimetière de Saint-Brancher était
encore sans clôture, l'archidiacre d'Autun l'interdit
pour obliger les habitants à lui en donner une,
; deux hommes de Villiers-Nonain étant morts, sur
ces entrefaites, furent inhumés à Cussy ;
enfin, pour obéir aux injonctions de l'archidiacre,
on réduisit son étendue et on l'entoura d'un
mur, haut d'un mètre, que l'on couvrit de dalles.
Trois hameaux dépendent du chef-lieu, qu'ils surpassent
en population : ce sont Saint-Aubin, Auxon et Villiers-Nonain.
Le premier, de trente-trois feux, situé au sud de
Saint-Brancher, tire son nom d'une chapelle dédiée à saint
Aubin, évêque d'Angers, qui y était
en grande vénération. L'archidiacre d'Autun
dit, dans le procès-verbal de sa visite, en 1698,
qu'elle était interdite depuis longtemps. Pendant
le 17ème siècle, époque d'esprit philosophique,
aucun des seigneurs de Saint-Aubin ne voulut y porter une
main réparatrice ; plus tard, on y fit quelques
travaux de restauration, car avant 89 et même après,
on y disait la messe le jour de la fête et pendant
l'année ; l'honoraire des Evangiles appartenait
au curé, mais le fermier ramassait soigneusement
les offrandes déposées sur l'autel. La négligence
qu'on avait mise à réparer cette chapelle,
avait laissé détériorer la charpente,
c'est pourquoi, durant la nuit du dimanche au lundi 9 janvier
1809, elle fut brisée par un ouragan terrible ;
en s'affaissant, elle entama les murs. Le curé Chaussard
emporta aussitôt la statue en bois de saint Aubin,
ainsi que deux chandeliers et une croix en cuivre, qu'il
déposa dans l'église. Les autorités
locales, comme les habitants de ce hameau, encore sous
l'impression des évènements révolutionnaires,
ne s'occupèrent pas de la réparer ; bien
plus on vola successivement les matériaux tombés
par terre. Les de Fresne de Montjalin, descendants des
seigneurs de Saint-Aubin, au lieu de se faire honneur de
relever ce petit édifice sacré, eurent l'indélicatesse
de venir réclamer leur part de ses dépouilles,
ils enlevèrent la cloche, disant qu'elle venait
de leurs ancêtres. Le curé, en quittant la
paroisse, emporta la statue du bon saint Aubin, car c'est
ainsi qu'on l'appelait ; il était dans les convenances
qu'elle restât dans l'église de la paroisse,
en témoignage de la vénération dont
elle avait été entourée.
En 1812, on allait toujours prier devant l'autel mis a
découvert et sur lequel on laissait son offrande,
les murs épais de quatre-vingts centimètres,
sont aujourd'hui à fleur de terre. On voit que l'édifice
avait une longueur de dix mètres sur cinq de largeur,
avec un petit clocher à l'entrée, les habitants
se proposent de la reconstruire (1).
(1) Pour leur venir en aide nous avons offert une souscription
de trois cents francs.
Cette chapelle, bâtie sur une grande place communale
(2), près d'un petit étang qu'elle domine
par son élévation, fut, jusqu'en 1830, le
but d'un pèlerinage célèbre dans toute
la contrée, car on évoque particulièrement
saint Aubin pour les coliques des enfants. On trempe dans
sa fontaine, située sous le chevet de la chapelle,
au bord du chemin, des chemises dont on les revêt
; ses eaux jusqu'ici respectées tombent dans l'oubli,
les vandales qui enlevèrent les pierres de l'édifice
sacré se laissèrent tenter par le beau granit
dont la fontaine était construite et recouverte,
il n'y reste plus qu'un creux, encore est-il encombré de
pierres.
(2) Avant et après 89, quatre particuliers y ont
construit, sans opposition, maisons, granges, étables,
et y ont ajouté des jardins.
L'église aime et respecte ces pieux usages de la
foi quand ils sont exempts de superstition ; la croyance
populaire a besoin de symboles sensibles, car il est difficile à l'homme
livré aux durs travaux des champs, de s'élever,
par l'esprit, aux mystères sublimes de la religion
; à défaut de pratique, il est porté à errer
dans la foi.
La fête de Saint-Aubin, qui se célèbre
le premier dimanche de mars, et qui a dégénéré en
apport, est toujours célèbre par le grand
nombre de jeunes gens qui s'y rendent pour s'y louer, en
qualité de domestiques ; les propriétaires
du bon pays y viennent de dix lieues pour s'en procurer.
Depuis que la chapelle est tombée, les autorités
locales ont transportés la réunion au chef-lieu.
Le jeudi-Saint, 30 mars 1809, deux mois et demi après
l'accident arrivé à Saint-Aubin, l'imprudence
du marguillier mit le feu au reposoir du Saint-Sacrement élevé dans
la chapelle de la Vierge ; dix-huit nappes d'autel, deux
draps, ainsi que les rubans et les bouquets étalés
sur l'autel et le rétable, devinrent en quelques
instants la proie des flammes.
Sous le régime féodal, la terre de Saint-Aubin
mouvait en fief du comté d'Avallon ; le seigneur
avait droit de haute et basse justice, celui d'installer
un juge prévôt, un greffier et un sergent
(1).
(1) Le Morvan, de l'abbé Baudiau
Guillaume, l'un deux, chevalier, vivait en 1340, et possédait,
en outre, les terres de Chalaut, de Dun, de Domecy-sur-Cure,
son fils, chambellan du duc de Bourgogne, plus riche que
son père, avait ajouté à sa fortune
patrimoniale le Meix, Montmardelin et Ouches ; Hugues,
son autre fils, était seigneur de Saint-Moré en
1384 ; ce qui signalait encore l'importance de la terre,
c'est qu'elle avait sa mesure particulière ; Hugues
de Fontenay, archidiacre et chanoine de l'église
d'Autun, seigneur de Saint-Aubin, Durot, Chassigny, la
Verdière, Lautreville et Villiers, affranchit en
1534 les habitants de toutes ces terres, leur accorda différents
droits; en retour, ils reconnurent lui devoir une poule
de coutume par feu à la Saint-Martin d'hiver, deux
boisseaux d'avoine pour le droit d'usage et pacage dans
ses bois, et enfin, une gerbe de messerie (2).
(2) Boileau, Mém.
Le moulin de la Verdière avait sa justice à Saint-Aubin
et devait, chaque année, un denier de cens, le meunier était,
en outre, obligé de moudre sans mouturer, tout le
blé nécessaire pour la maison seigneuriale
et de s'acquitter immédiatement de cette charge,
sans qu'aucun autre pût passer avant elle (1).
(1) Boileau page 129
Trente-un ans plus tard, reprise de fief pour cette même
terre et celle de Durot ; Charles de Chalon, écuyer,
capitaine de cavalerie au régiment de la Reine,
acquit avec Anne de Certaines, son épouse, en 1675,
de François de Créqui, pair de France, gouverneur
du Dauphiné, la terre de Saint-Aubin ; il était
aussi seigneur de Beauvilliers et du château de Sully,
où il faisait sa résidence. Il avait épousé,
en seconde noces, de Versizy, qui vivait encore en 1703.
René de Fresne, par son mariage avec Reine de Chalon,
hérita des terres de Saint-Aubin et de Sully ; il
eut en 1696, un fils nommé aussi René, mort
en bas-âge (2).
(2) Registres de catholicité de S. Br.
Césaire de Fresne, chevalier, fils de René,
ajoutait en 1719, à son titre de famille, ceux de
Sully et de Saint-Aubin ; vingt ans après, il se
disait, en outre, seigneur de Beauvilliers, de Montjalin
et baron de Villiers-en-Morvan (3).
(3) Village situé dans le canton de Liernais.
Ces terres venaient de Thomas-André-Marie Davigneau,
président et lieutenant général du
bailli d'Auxerre, qu'il avait achetées pour la somme
de cent-vingt-trois mille six cent soixante et onze livres
(4).
(4) Archives de Dijon
Une ferme très étendue, reste de l'ancienne
seigneurie de Saint-Aubin, fut achetée en 1835 par
deux particuliers, dont l'un vendit sa part en détail.
On ne voit plus de traces de l'ancien château, les
derniers seigneurs habitaient celui de Sully, bâti à trois
kilomètres au nord, et séparé de Saint-Aubin
par une vallée, au fond de laquelle coule la rivière
de Trinquelin.
Cette maison-forte, une des plus remarquable de la contrée,
s'appelait Soelly, Seuly et vulgairement Soilly ou Sully-Montchanin.
Elle était assise sur une montagne contournée
par le Trinquelin, elle consistait dans un long corps de
bâtiment, d'une grande élévation, flanqué aux
angles de quatre grosses tours avec meurtrières,
et s'étendant de l'est à l'ouest ; une vaste
cour au nord, bordée de constructions et entourée,
avec le château, de deux fossés toujours pleins
d'eau, avec une tour détachée servant de
colombier, complétait ces fortifications et en rendait,
en temps de guerre, l'accès très difficile.
Ce somptueux et superbe édifice fut vendu avec
ses dépendances en 93 deux particuliers achetèrent
la ferme soixante-deux mille francs, un autre eut les bois,
et un troisième, le château. Enfin la révolution
de 1830, qui emporta la dynastie régnante, sonna
sa dernière heure ; le marteau démolisseur
sapa ses fortes murailles, les matériaux furent
emmenés de tous côtés, la chapelle,
enclavée dans les bâtiments, tomba comme le
reste, les décombres servirent à remplir
les fossés, bientôt on vit le soc de la charrue
sillonner cet emplacement, qui offrit une nouvelle image
des vicissitudes humaines.
La famille de Fresne, dont la descendance est à Montjalin,
a vu clore dans la personne de mademoiselle de Sully, décédée
en 1858, et née dans ce château, dont elle
portait le nom, la série des anciens seigneurs.
Sully était un fief, en toute justice, mouvant
de la baronnie de Villarnoult. Il se partageait ainsi :
par Sully on entendait la chapelle, le château, la
maison du fermier appelé encore le moulin de Soilly,
faisant partie de la paroisse de Saint-Brancher ; le village
qui en dépend, séparé seulement par
le chemin, était de Beauvilliers et s'appelait Montchanin,
c'est pourquoi, réunissant les deux noms, on dit
Sully-Montchanin. Trois seigneurs haut justiciers y exercèrent
leurs pouvoirs jusqu'en 1789. Le roi sur trois maisons,
le seigneur de Villarnoult sur trois autres, et celui de
Sully sur le reste ; la totalité de la population,
alors de douze feux, s'élève aujourd'hui à vingt-sept
; la justice se rendait au pied de la croix du hameau.
Le fermier du château ayant eu à se plaindre
de la rigueur avec laquelle le seigneur de Beauvilliers
prélevait la dîme de ses agneaux, démolit
sa maison et la reporta quelques mètres plus loin,
sur le territoire de Saint-Brancher ; singulier moyen de
terminer le différend.
La fondation de la chapelle est attribuée aux seigneurs
de la localité ; lorsque l'archidiacre d'Autun la
visita en 1698, il trouva le tableau du rétable
et les draperies du devant de l'autel déchirés
; la coupe du calice et celle du ciboire n'étaient
pas dorées. Jusqu'à la fin du 16ème
siècle, les seigneurs se faisaient gloire de posséder
dans leurs châteaux des chapelles pour y entendre
la messe, mais bientôt dominés par l'esprit
d'irréligion, il les laissèrent dans l'abandon
; c'est ce que nous avons remarqué en parlant de
Saint-Aubin.
Le même visiteur trouva l'église de Saint-Brancher
en mauvais état, c'est pourquoi il autorisa le curé à percevoir
une livre sur chaque grand enterrement, dix sous pour les
petits, et à suppléer au reste pour son entretien.
Avant l'édit de 1776, qui défend formellement
d'enterrer dans les églises, presque tous les fidèles,
moyennant une rétribution de la fabrique, s'y faisaient
inhumer. Le chœur était réservé pour
les prêtres et les notables les corps, déposés
sans cercueils dans une terre sèche, se consumaient
en peu de temps, le sol continuellement remué, ne
permettait pas d'y établir ces bancs qui forment
aujourd'hui le principal revenu des fabriques. On entendait
la messe debout ou à genou, comme on fait encore à Rome.
Jean de Chalon, lieutenant-colonel, était en 1648,
seigneur de Saint-Aubin et de Sully (1), dont le château
sera désormais la résidence des seigneurs
de la contrée ; celui de Saint-Aubin a disparu.
Césaire de Fresne, chevalier, qui en était
seigneur, et Marguerite de Damas de Cormillon, son épouse,
vivaient en 1742. Un de leurs enfants fut baptisé,
cette même année, à Saint-Brancher,
et nommé Charles-Césaire-Auguste.
(1) Registres de catholicité.
Le chevalier de Fresne acheta, en 1751, de Thomas Davigneau,
lieutenant général du bailli d'Auxerre, la
seigneurie de Ruères, revêtue du titre de
baronnie, où il alla demeurer, et où il mourut
le 24 mars 1761, à l'âge de dix-neuf ans,
après une longue et fâcheuse maladie. Il fut
inhumé dans le chœur de l'église de
Saint-Brancher, où reposaient ses ancêtres,
deux mois après Césaire, son père
mourut aussi à Ruères, muni, comme son fils,
des Sacrements de l'église, et fut enterré près
de lui avec une grande pompe. Racquin, curé du lieu,
se chargea de ces cérémonies, assisté,
dans la première, de Bethemon, curé de Magny,
de Bizouaire, curé de Sainte-Magnance, de Barbe,
curé de Saint-Andeux, et de Bizouard, vicaire de
Saint-Léger. Dans la seconde, de Grognot, curé de
Buissières, de Pannetrat, curé de Saint-Andeux,
de Charles, chanoine de Thil-en Auxois, et en présence
de l'aristocratie du voisinage (1).
(1) Registres de catholicité.
Une industrie particulière au hameau de Saint-Aubin,
est la fabrication des hottes avec le houx et l'écorce
de coudrier ; les habitants en approvisionnent les marchés
d'Avallon ; la sévérité des lois,
relativement à l'enlèvement du coudrier,
entrave aujourd'hui ce genre de commerce.
Auxon, qu'on prononce Auson, Ausson, et qu'on écrivait
ainsi autrefois, réunit trente-quatre feux ; il
est situé dans un vallon fertile, au sud de la route
de Quarré à Avallon, sur laquelle on a bâti
deux maisons ; un terrier de 1486 dit que le roi y possède
deux meix dont les tenemenciers payent neuf gros pour droit
de bourgeoisie. Et un troisième appelé les
Boisseaux (2).
(2) Boileau
Le hameau d'Auxon a été plus tard un fief
de la baronnie de Villarnoult, c'est à l'extrémité,
au sud, qu'on a découvert ces beaux restes d'une
ville dont nous avons parlé plus haut.
La troisième dépendance de Saint-Brancher,
la plus étendue et la plus populeuse, est Villiers-Nonain,
appelé vulgairement Velé et autrefois Velé-Nonnain,
Villiers-les-Nonnains (3) ; elle renferme soixante et dix
feux, échelonnés sur les deux côtés
de la route de Quarré à Cussy ; son surnom
vient des moines de Régny, possesseurs, dans cette
contrée, de fonds de terre, dont l'origine remonte
au testament de Guy Besors, seigneur de Villarnoult, de
l'an 1237. Les bâtiments d'exploitation portant le
nom de Meix, et dont on montrait encore les restes le siècle
dernier, étaient à l'ouest.
(3) Boileau p. 110
Les chanoines d'Avallon, ou, pour nous service des expressions
du temps, les Vénérables du chapitre d'Avallon,
jouirent, jusqu'en 1790, de la tierce de toutes les céréales,
mais ils n'avaient rien sur le chanvre, les pois, les fèves,
les lentilles et la navette (1).
(1) Boileau
En 1550, Achille d'Anssienville, chevalier, vicomte des
Bordes, seigneur de Maraut, Magny, Etrée, Vaupitre,
Villiers-Nonain, Villeneuve-les-Prêles et leurs dépendances,
comprit que le temps avait modifié les servitudes
et les banalités, c'est pourquoi, dans un terrier
remarquable de l'an 1609, il n'abroge pas les charges onéreuses,
mais il les change en d'autres redevances plus à la
hauteur du siècle.
Les principaux habitants de toutes ces terres s'étant
réunis, reconnurent qu'il avait toute justice, qu'il
pouvait élever un signe patibulaire à trois
piliers; qu'il en avait un au champ-des-Fourches et un
autre au Champ-Berlin, sur le finage de Villeneuve, proche
la justice de Villarnoult; il donna des lettres d'affranchissement
aux habitants de Maraut et de Villeneuve, et fixa les redevances
auxquelles ils seraient tenus, pour chaque concession :
ainsi ils devaient, tous les ans, un boisseau d'avoine
pour le droit de posséder un four, une poule pour
avoir une demeurance à Maraut, une demi-livre de
cire pour abreuver leur bétail dans ses étangs,
un oison pour champoyer, c'est-à-dire, faire pâturer
le bétail dans les bois de Maraut; cinq deniers
pour pêcher dans le Cousin et les ruisseaux, ils
devaient, en outre, chacun trois jours de corvée
pour labourer, faucher et moissonner (1) .
(1) Boileau p. 100 et suiv.
En 1720, ces biens étaient passés à Jacques
de Ganay, chevalier d'honneur de la chambre des comptes
de Bourgogne, demeurant à Maraut. Les habitants
de Villiers-Nonain devaient porter tous les ans, dans son
château, un pichet de froment, mesure d'Avallon,
deux boisseaux d'avoine, afin de cuire où bon leur
semblerait, dix deniers pour la permission qu'ils ont de
prendre du bois, de mener champoyer leurs bêtes,
tant grosses que menues, aux bois des Rivières et
des Cohées, ils devaient encore, chaque année,
un oison pour le pacage, une poule par chaque feu qu'ils
tenaient à Villiers-Nonain, et cinq sous d'affranchissement
(2) .
(2) Boileau p. 100
On remarque, dans le contrat, cette clause singulière
pour obliger les habitants à la reconnaissance toutes
les fois qu'ils feraient une acquisition quelconque : ils
devaient, sous peine de soixante-cinq sous d'amende, se
présenter, dans les quarante-cinq jours, au greffe
de la seigneurie, pour faire des remerciements de ce qu'ils
pouvaient posséder des biens fonds (3) .
(3) Ibid.
La commune de Saint-Brancher n'est pas en arrière
pour la création des routes ; l'une partant du chef-lieu,
et déjà terminée, traverse celles
de Cussy et d'Avallon, et se met en communication avec
le hameau d'Auxon une autre, en voie d'exécution,
se dirige sur Saint-Aubin. Dans quelques années,
les trois hameaux de la paroisse auront, pour se rendre à l'église
et dans les villes voisines, des voies ferrées d'un
avantage inappréciable.
Le curé Antoine Racquin, qui a occupé longtemps
la paroisse de Saint-Brancher, a écrit, à la
fin de chaque année, sur les registres de catholicité,
des notes historiques qui ne sont pas sans intérêt,
nous en citerons quelques-unes en forme de chronique, omettant
celles qui ont rapport aux évènements du
temps et qu'on trouve dans l'histoire : ces particularités
relatives à Saint-Brancher, intéressent la
contrée.
En 1613, mortalité sur les porcs : c'est à peine
s'il en reste quelques-uns dans les toits.
Le seigle vaut, au commencement de cette année,
mesure d'Avallon, vingt sous le boisseau et quarante à la
fin, l'avoine, mesure de Rouvray (1) est à vingt-cinq
sous, mais en 1715, le seigle ne vaut plus que dix sous
le boisseau, et l'avoine sept ; l'année suivante,
le seigle a baissé de deux sous et l'avoine d'un
seulement.
(1) La mesure de Rouvray pesait treize kilog.
En 1731, dérangement extraordinaire dans les saisons,
l'hiver est rigoureux, la neige commence le 18 novembre
de l'année précédente, s'étend
partout à quatre-vingt trois centimètres
de hauteur, et, en certains endroits amoncelés par
les vents à trois mètres ; les communications
sont interceptées, elle dure jusqu'en avril ; alors
commencent des chaleurs excessives, les rivières
et les fontaines se tarissent, c'est à peine, durant
sept mois, si quelques orages donnent des pluies de peu
de durée, les herbes, les orges, les avoines, les
chenevières périssent entièrement
; le foin se vend quarante livres le cent, somme considérable
pour ce temps-là, le froment valut quarante -cinq
sous, le seigle trente-quatre, et l'avoine vingt ; on fit
des prières publiques, des processions…
Trois ans après, le seigle est à quarante-cinq
sous et l'avoine à sept.
En 1739, le 28 décembre, Charles Dejoux, né à Auxon
et élève du curé Racquin, dit à Saint-Brancher
sa première messe, assisté de Jean-Raphaël
de Pampelune de Livry, curé de Quarré, de
Bernard, curé de Marigny, de François Millot,
curé de Saint-Agnan, de Montenot, curé de
Chastellux, de Henri Gendrot, vicaire de Quarré,
et en présence de sa famille et d'un bon nombre
de ses compatriotes.
L'année 1747 fut la plus triste et la plus affligeante
qu'on eût vue depuis longtemps ; la mort étendit
son voile funèbre sur les hommes et principalement
sur le bétail ; déjà elle avait décimé plusieurs
contrées : Ainsi au hameau de Villiers-Nonain, sur
six cents têtes de gros bétail, il n'en resta
que quarante, parmi lesquels on ne comptait que quatre
vaches ; la perte fut estimée au-delà de
trente mille livres. Saint-Brancher ne conserva que six
vaches, à Saint-Aubin et Auxon un peu plus. Beaucoup
d'étables demeurèrent entièrement
vides ; qu'on ajoute à e fléau la chèreté des
grains ? le seigle se vendit trente et trente-cinq sous,
mesure d'Avallon, l'avoine ne valut que dix- à douze
sous, mesure de Rouvray, le vin récolté en
petite quantité, fut très-cher et fort mauvais.
En 1751, le printemps fut extrêmement humide, il
y eut beaucoup d'herbe dans les blés, la récolte
fut si médiocre que les dîmes du curé n'avaient
jamais été vendues aussi bas prix, le seigle
valait trente sous le boisseau, et l'avoine quinze.
Source : Notice historique sur la
commune de Saint-Brancher par Abbé V.B. HENRY (page 146 à 173) -
Bulletin de la Société d'Etudes d'Avallon
de 1865.
Documents photocopiés par la Société d'Etudes
d'Avallon (mars 2007)
Texte recopié dans son intégralité
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