« Villiers-les-Poltots,
l’un des hameaux notables de quarré, ne figure pas dans le contrôle
ducal, même dans le dernier de 1461.
On
y trouve, par contre, des hameaux disparus depuis : le Caisne (Chêne),
la Martole et Nemois. Le Caisne devait avoisiner Charmolin, la Martole
faisait partie de Velard, plus tard (XVIIème siècle),
Velard le Comte.
Le
hameau actuel La Foulquière ou Foultière est enregistré dans les
trois Serches : la Forestière.
Quant
à Nemois, sis autrefois sous notre Mennemois actuel, j’en ai
recueilli des vestiges, tous rongés par le feu . Nemois
appartenait aux sires de Jaucourt ; d’après M Ernest Petit (l’Avallonnais),
« quatorze forteresses des Jaucourt furent rasées pour cause de rébellion,
par ordre de Louis XI » ; j’attribue donc à ce prince la
destruction de Nemois, vers 1478.
Quoi
qu’on pense de cette conjecture, l’une de nos quarante-neuf crois
stationnales (la Croix rouge), aux abords de Nemois, semble indiquer par
son nom même qu’un acte de violence exceptionnelle fut commis en cet
endroit. Nous n’en savons pas davantage.
La
charte d’affranchissement de Quarré date de 1550. Elle fut donnée
par Loys de Chastelus moyennant quelques redevances annuelles payables
par les habitants (Archives de Chastellux). Nos hameaux, à plusieurs
seigneurs en partie et aux abbayes de Reigny, puis de Saint-Jean-de-Réaume,
ne jouirent que plus tard de semblable bienfait.
M.
Ernest Peit raconte qu’en 1577 le curé de Quarré périt, assassiné
dans son presbytère avec ses domestiques. Le vol paraît avoir été le
mobile du crime.
C’est
pourquoi, en l’absence d’autres faits avérés, je suis convaincu
que les malheurs des guerres de Religion n’atteignirent que
partiellement notre bourgade , mais je n’oserais prétendre que
plusieurs de ses hameaux : Mennemois, Montarin, Charmolin, La
Forestière et la Gorge (tous aux Jaucourt, naguère ardents zélateurs
de la foi catholique), n’aient sérieusement souffert de l’intolérance
calviniste et de la dureté proverbiale de leurs seigneurs.
En
1594, notre hameau de Montgaudier se plaignait avec d’autres villages,
Courtemau et Trinquelin (Courtemau n’existe plus, Trinquelin,
aujourd’hui commune de Saint Léger Vauban) – tous les plaignants dépendent
de l’abbaye de Reigny – que « depuis six ans en ça les
dictx villages sont déshabitez, les labourages faillizé, que les
habitants qui y sont à présent ne sont que povres mercenaires et
femmes vefves, etc… » (AD
89 H 1625, année 1594).
Cette
requête, tendant à obtenir une exemption des taxes royales(Henri IV était seul maître en 1594), donnerait à supposer que
les gens de la terre abbatiale voués, sinon dévoués, à la ligue,
eurent des représailles à subir. Est-ce de la part d’Olivier de
Chastellux ? C’est fort possible, mais je ne possède pas de
documents à l’appui de l’hypothèse ?
Le
pitoyable Briquemaut de Ruères (Ruères, hameau actuel de Saint-Léger-Vauban)
est inculpé,mais les preuves manquent, d’avoir « travaillé »
sur notre territoire. Le terme que je guillemette est le seul qui
convienne à ce triste religionnaire, moins sectaire encore que bandit.
Les
sires de Chastellux, barons de Quarré, conservèrent la foi de leurs
ancêtres, et notre petit pays recueillit, par suite, les fruits de paix
de cette heureuse constance.
Il
ne paraît pas avoir participé aux grandes et graves affaires de la
Ligue sinon en ce qui concerne le hameau de Montgaudier, comme nous
l’avons rapporté tout à l’heure. Notre bourgade ne valait sans
doute pas la peine que les ligueurs des villes voisines en tinssent
compte, et, d’un autre côté, Olivier de Chastellux était l’ami
personnel de Henri IV.
Olivier
de Chastellux aimait fort sa baronnie de Quarré. Il voulut que son
corps reposât dans notre église (1617). On y voit aujourd’hui un
titre funéraire élevé en 1810 par les soins de César-Laurent, comte
de Chastellux, en remplacement de l’ancien tombeau de 1617 « détruit
par le malheur des temps ». Cet euphémisme empreint de miséricorde
vise 1793.
Nous
revenons donc aux questions du sol. Olivier manquait de bûcherons pour
l’exploitation de ses vastes forêts .Dans les premières années du
dix-septième siècle, étant en Picardie, il amena à Quarré, à
Saint-André-en-Morvan, etc. de pauvres gens de la Thiérache, petit
pays qui a pour chef-lieu Guise. On sait qu’en ce temps, la Picardie
et l’Artois étaient très malheureux, par suite des guerres de la
couronne contre la maison d’Autriche, puis des guerres de Religion.
Les
colons d’Olivier s’établirent ici, d’abord dans des huttes, à la
manière des charbonniers. Plus tard ils construisirent des maisons,
agrandies et embellies successivement, elles présentent aujourd’hui
un assez agréable aspect.
Olivier
leur fournissait en toute propriété et pour un prix d’achat presque
nul des terres à défricher dans les clairières.
Telle
est l’origine de douze des hameaux quarréens. On les dénomme
collectivement, comme nous l’avons fait en ce travail « ès-bois »
ou « aux bois de Chastellux ».
A
partir du dix-septième siècle jusqu’à la Révolution Quarré n’a
plus rien à montrer à l’histoire régionale que sa pauvreté.
Malgré
cette pauvreté, Quarré possédait, aux dix-septième et dix-huitième
siècles, une école qui paraît avoir été toujours bien régie.
J’ai copie des procès-verbaux de visite par les archidiacres d’Autun,
années 1667, 1671, 1695, 1698, 1702 et 1760, tous sont favorables au
recteur, sauf celui de 1667(cf mem de la Société éduenne : État de
l’instruction, etc. par M. A. de Charmasse).
Le
« maistre d’écolle » était payé ici par la
communauté, et presque exclusivement en nature. En ces conditions, le
pourcentage des habitants ne sachant ni lire, ni écrire fut imputable
au moins partiellement, à une négligence voulue par eux.
Les
maisons d’école sont aujourd’hui pour Quarré-Bourg et hameaux au
nombre de cinq, comprenant huit instituteurs et institutrices.
On
se représentera cette pauvreté sans peine : la pomme de terre
n’était pas connue, la culture du froment passait pour impossible.
Restaient
le seigle, le sarrasin et quelques rares ensemencements d’avoine. Or,
le seigle ne réussit pas tous les ans, surtout dans nos montagnes, et
l’on a vu ce qu’on doit penser de la récolte très aléatoire du
sarrasin. Quand le seigle et le blé noir faisaient défaut simultanément,
c’était la disette et, pour les plus pauvres, la famine, sauf recours
à la charité qui, certes, se montrait touchante et simple en ces temps
chrétiens.
Cependant,
qu’arrivait-il ? Le cultivateur, maintes fois découragé,
devenait fainéant et préférait la faim au travail. C’est ce qui
explique que Vauban ait traité les Morvandeaux de lâches et de
paresseux, incapables d’améliorer le sol et d’ôter une pierre de
leurs héritages.
Les
difficultés et, ça et là, l’absence presque complète des moyens de
communication, circonscrivaient sur place et aggravaient d’autant la
misère résultant des années improductives. On le conçoit.
Outre
le mauvais état des chemins ou parfois leur défaut, dans plusieurs de
nos hameaux on en était encore, même en 1838, à l’essedum
gallo-romain dont Victor Petit a donné un croquis.
Figurons-nous
une sorte de cage posée sur un essieu en bois et avançant péniblement
sur roues pleines faites de planches juxtaposées, puis taillées circulairement,
vaille que vaille à la serpe ; par conséquent sans moyeu, ni
rais, ni jantes, et à plus forte raison sans fers.
Ceci
avoisine presque le temps actuel, et pourtant l’évolution est complète.
Les cinq anciens chemins aboutissant à Quarré ont été peu à peu
transformés en routes, et dans ces quinze dernières années, grâce au
conseil municipal, grâce surtout au dévouement et à l’influence du
magistrat désigné à la première page de cet Essai, ces cinq routes
ont reçu successivement leurs prolongements et amorces dans presque
tous les hameaux. On comprend que l’état parfait et si rapide de la
viabilité quarréenne ait déterminé les plus larges modifications
dans nos voitures et chariots de toutes espèce, et que l’aisance
publique s’en soit considérablement accrue.
Quarré,
autrefois, était un archiprêtré de l’archidiaconé d’Avallon et
du diocèse d’Autun. Au quatorzième siècle, la circonscription de
l’archiprêtrécomprenait dix-sept paroisses (A. de Charmasse : Pouillé, ms
du XIVème, Cartulaire rouge). Plus tard elle en eut vingt et
une, puis vingt-trois (cartulaire rouge et Mém. De la Société Eduenne,
I, 1872) ; enfin vingt-cinq, en comprenant Sainte-Magnance et
Rouvray (Quantin : Dictionnaire topographique de l’Yonne).
En
1717,(description
du gouvernement de Bourgogne, Dijon, 1717) , l’archiprêtré ne possédait
plus que quatorze cures, sises dans les trois bailliages d’Avallon, de
Semur et de Saulieu.. En 1772, Courtépée attribue à Quarré 800
communiants, c’est-à-dire 800 paroissiens ayant dépassé l’âge de
la première communion (en langage actuel). En 1760, le grand vicaire
d’Autun trouve 850 communiants.
A
la révolution, Quarré cessa d’appartenir au diocèse d’Autun.
A
En
vertu du concordat, et d’après son article 9, rapproché de
l’article organique 60, Quarré (diocèse de Troyes), chef-lieu
d’une justice de paix, fut érigé en cure à la fin de 1802. Six
succursales seulement lui restèrent, savoir : Saint-Brancher,
Bussières, Chastellux, Saint-Germain-des-Champs, Saint-Léger-de-Foucheret,
(depuis Saint-Léger-Vauban, décret de 1867) et Sainte-Magnance. La
date de leur érection est de l’an XIII, pour la présentation par
l’évêque de Troyes, et 1807, pour l’approbation impériale.
Aux
termes des concordats de 1817 et de 1821, le doyenné de Quarré fut
attaché définitivement avec ses six paroisses à l’archidiocèse de
Sens.
L’histoire
religieuse de ce pays, pendant et après la terreur, ne signale que de
rares méfaits dont il nous répugnerait de nommer le principal auteur
aussi bien que les complices. A Quarré, leur dette est payée depuis
longtemps.
Toutefois,
nous avons le devoir de citer une de leurs victimes, le saint curé
Bégon, mort en
1797 à la suite des souffrances endurées aux jours mauvais. L’abbé
Bégon, détenu dans la « maison de réunion, ci-devant petit séminaire
d’Auxerre », fut parmi ses compagnons de captivité, le dernier
élargi (1795). Sa charité extrême envers les pauvres comme à
l’endroit de ses ineptes délateurs, n’est pas effacée de
l’histoire quarréenne. Un monument, érigé par souscription en 1826,
rappelle aux visiteurs de notre église les vertus de cette belle âme
sacerdotale.
A
côté d’une vénérée mémoire, je placerai volontiers celle de deux
paroissiens, Bonneau et Mouillot, qui exposèrent leur liberté et leur
vie pour soustraire aux profanations les objets sacrés de leur
paroisse. Brizeux aurait pu écrire son vers si connu pour ces deux
hommes dévoués :
A
tout ce qu’un chrétien aime autant que lui même.
Quarré,
sous l’Ancien Régime, faisait partie du bailliage d’Avallon, et
ressortissait au parlement de Dijon pour la justice. De même, en ce qui
concerne les finances, nous étions compris dans la généralité de
Dijon, élection et subdélégation d’Avallon, démembrée de l’élection
de Semur-en-Auxois.
Au
point de vue politique (représentation des trois ordres et vote annuel
des subsides), les états de Bourgogne étaient privilégiés encore,
mais presque effacés depuis le règne de Louis XIV, et pourtant de
nobles caractères, de fières résistances n’avaient pas manqué, même
sous ce règne, aux libertés publiques et provinciales. Cependant, nos
parlementaires répondirent-ils aux agents fiscaux du grand roi comme
leurs ancêtres avaient répondu au messager de Charles le Téméraire
pour le même fait d’impôts : « Dites à Messire le Duc
que nous luy sommes très humbles et très obéissants subjects et
serviteurs ; mais quant à ce que vous proposez de sa part, il ne
se fait jamais, il ne se peut faire, il ne se fera pas ».
Paroles des sires de Jonvelle, de Charny, de Myrebeau.
Considéré
comme pays forestier, Quarré dépendait de la maîtrise d’Avallon et
en dernier ressort de la table de marbre de Dijon, pour le département
de Bourgogne, Bresse et Bugey.
Nous
relevions de la juridiction royale et grenier à sel de Vézelay.
La
mesure des céréales à quarré était de 25 livres (mesure de Rouvray) ;
la pinte (de Pontaubert), soit environ 110 cl, représentait l’unité
pour les liquides.
Notre
lieue (de Bourgogne) équivalait à 5 847 m , c’est à dire était
au-dessous de 20 au degré. Aussi convient-il, même actuellement, de
prendre garde à une indication donnée en lieues par l’habitant; généralement
elle est trop faible.
Les
mesures agraires de Quarré , avant la Révolution (elles persistent
aujourd’hui) n’avaient pas de base fixe. Un journal de champ, une
« soiture » de pré oscillaient entre 22 et 35 ares de nos
mesures métriques. L’arpenteur a besoin de passer par là avant les
transactions.
A
la foire, les Quarréens calculent encore par pistole (monnaie de compte
de 10 francs) et par louis de 24 francs. L’écu de 6 francs et le
demi-écu ont disparu : ils appartenaient au système duodécimal,
le louis de 24, du même système, devrait disparaître aussi. »
Source :
Indéterminé
(probablement un bulletin de la Société d’Études d’Avallon)
MAIRIE - 6, rue de
Vézelay - 89630 St Germain des Champs
- Tél. : 03 86 34 23 33 - Fax : 03 86 34 58 08 -
Mail
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